Interview du président du conseil d'administration
Interview de Marc-Antoine Jamet
Président du conseil d’administration
Chaque année, le Cned interroge ses inscrits, qu’ils soient élèves ou adultes en reprise d’études, sur leur satisfaction. Quelle évolution observe-t-on dans leur perception de l’établissement ?
Chaque année, le Cned s’interroge sur de nombreuses choses et il m’arrive de m’interroger avec lui. Lorsque je suis devenu le président de son conseil d’administration, mon ami Serge Bergamelli en était le directeur général. Nous rêvions de développements numériques et d’extensions internationales, les premiers permettant les secondes. Sa santé l’obligea à s’éloigner. Béatrice Boury tint la barre avec fermeté pendant des mois. Avec son successeur, Jean-Charles Watiez, dont la nomination intervint au terme de ce long intérim et le départ se révéla soudain, les maîtres mots devinrent rationalisation et rentabilité, ce qui n’était pas totalement infondé. Puis l’excellent Michel Reverchon-Billot arriva avec un programme justement tourné vers le scolaire et la réécriture de certains de nos contenus apurés de scories ou d’inutilités apparues avec le temps et l’évolution des pédagogies. Nous n’avions pas fini qu’il fut remplacé par Jean-Noël Tronc. Avec cet ancien de Matignon et du plan, de Canal+ et de la Sacem, la barre fut mise, avec une certaine rapidité et parmi d’innombrables idées, sur la modernisation et la diversification. Non sans remporter des succès. Il fut, lui aussi, arraché à notre affection. Aujourd’hui, après qu'Olivier Guiard a fait mieux que d’en garder les clés, c’est Anne Szymczak, agrégée de chimie et élément essentiel de l’inspection générale de l’Éducation, du Sport et de la Recherche, qui est nommée à notre direction générale. Je veux lui souhaiter chaleureusement non seulement bienvenue et réussite, mais aussi solidité et longueur de temps. C’est bien simple : il y a eu au cours de la décennie presque autant de dirigeants de notre maison qu’il y a eu rue de Grenelle de ministres de l’Éducation. Cela fait beaucoup ! Cette valse sans hésitation ne peut plus continuer. C’est de stabilité dont nous avons besoin.
Les enjeux auxquels nous devons faire face ne sont pas minces. La subvention à laquelle nous prétendons pour financer nos missions de service public n’est pas une peau de chagrin, mais sans subir le sortilège balzacien, elle a tendance à se réduire. La situation de l’État n’y est pas pour rien. Nos tâches ne vont pas en diminuant et j’en veux pour preuve le rôle que nous devons jouer quand un collègue enseignant est absent. C’est un problème qui, parce qu’il touche enfants et parents, dans les zones rurales, dans les zones périurbaines, doit trouver une solution républicaine. Il nous faut aussi relever le défi de la concurrence privée, moins compétente, moins cohérente, moins agissante, et augmenter nos recettes commerciales tout en gardant notre âme. L’idée d’être un instrument, fédéré avec d’autres, de la défense, que dis-je, de la propagation, de notre langue, de notre culture, de notre civilisation à travers le monde me paraît toujours bonne. Sans vouloir troubler notre climat social (je crois avoir prouvé au fil des années que je cherchais plutôt à l’apaiser), comme une aide au travail et pour le bénéfice de nos élèves, nous ne pouvons nous désintéresser des potentialités – encadrées – de l’intelligence artificielle. Ce n’est pas à moi de rédiger la feuille de route, mais elle pourrait être longue et les difficultés sur le chemin pas totalement inexistantes. À nous de montrer, par notre excellence et nos résultats, que nous en avons conscience.
Notre track record, comme on dit en français, plaide pour nous. Depuis plus de vingt ans, le Cned s’est engagé dans une démarche d’amélioration continue en fonction des attentes et du ressenti de ses inscrits. Des baromètres sophistiqués nous permettent de connaître leurs parcours formatifs, leurs motifs d’inscription, leurs profils et leurs perspectives. Il en résulte des axes d’améliorations que nous mettons souvent en œuvre. Depuis 2021, des enquêtes à périmètre constant nous permettent ainsi une analyse récurrente d’indicateurs clés, parmi lesquels la satisfaction et la recommandation. En 2024, 22 % des plus de 64 000 personnes interrogées ont accepté de répondre à nos questionnaires. Les résultats témoignent d’une dynamique positive, avec un taux de satisfaction global atteignant 77 %, en progression par rapport à l’année précédente (75 %).
Détaillés par public, ces résultats sont encourageants pour l’avenir de l’établissement. Le scolaire réglementé affiche un taux de satisfaction de 87 %, soulignant la reconnaissance de nos élèves quant à la qualité des enseignements dispensés. Le public libre et le public financé enregistrent, quant à eux, un taux de satisfaction de 73 %, confirmant l’adéquation de nos formations aux attentes de profils variés, qu’il s’agisse de reprises d’études ou de montées en compétences.
Ces résultats confirment les efforts déployés par l’ensemble des équipes pour rehausser encore le niveau, si cela était possible, de nos contenus pédagogiques et de notre accompagnement. Depuis plus de dix ans, grâce à sa flexibilité, à la qualité de son enseignement et de ses enseignants, ainsi qu’à son suivi à distance, le Cned démontre sa capacité à répondre à sa mission première : la réussite de tous ses élèves, enfants ou adultes. Son esprit d’innovation, avec l’intégration de toutes les améliorations pédagogiques, renforce cette ambition. Les résultats confirment ces avancées et soulignent la nécessité de consolider, voire poursuivre ces efforts. C’est l’un des axes majeurs du contrat d’objectifs et de performance 2023-2026.
Répondre aux attentes des apprenants et aux enjeux de la société est essentiel. La connaissance demeure un levier stratégique pour relever les défis de demain qu’ils soient économiques, sociaux et environnementaux. De ce point de vue, plus que jamais, les valeurs du service public qui fondent le Cned en font la force et la raison d’être.
Cette tendance positive se confirme également par l’augmentation du nombre de formations délivrées, témoignant de la dynamique engagée dans ce contexte de concurrence intense que j’évoquais au début de mon propos. Celle-ci émane à la fois d’établissements publics, qui développent de manière croissante des offres de formation à distance, et d’acteurs privés disposant de moyens financiers qui, parfois, me semblent illimités tant nous autres vivons chichement. Cette démultiplication des offres impacte particulièrement le secteur de la formation professionnelle tout au long de la vie, secteur indispensable au développement du Cned dans le contexte de ressources publiques contraintes.
En matière de scolarité, avez-vous constaté une augmentation du nombre d’élèves inscrits au Cned en raison du refus scolaire anxieux ou « phobie scolaire », un sujet de plus en plus prépondérant ces dernières années ?
Le refus scolaire anxieux, communément appelé « phobie scolaire », est une réalité qui touche un nombre croissant d’élèves. Selon notre dernier baromètre consacré au public scolaire réglementé, 45 % des inscrits citent cette raison comme principal motif d’inscription au Cned, une tendance encore plus marquée au collège (43 %) et au lycée (56 %). Ce phénomène, en hausse constante, souligne le rôle essentiel que le Cned, en tant qu’opérateur public de l’enseignement à distance, joue au sein du système éducatif et pour la santé des plus jeunes.
Notre mission d’intérêt général impose que nous offrions une solution de scolarisation adaptée aux élèves empêchés, pour raisons de santé, d’engagements sportifs ou artistiques exigeants, de contraintes liées au mode de vie familial. Pour les enfants souffrant de phobie scolaire, le Cned représente bien plus qu’une alternative : il leur permet de poursuivre leur apprentissage à leur rythme, dans un cadre sécurisant, tout en leur redonnant progressivement le goût d’apprendre. Fier de leur confiance, le Cned s’attache à renforcer le soutien de ces élèves afin de leur offrir un cadre pédagogique structurant et bienveillant.
Par ailleurs, la lutte contre le harcèlement scolaire, souvent à l’origine de ces situations de repli, est évidemment une priorité partagée avec le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. C’est dans cet esprit que le Cned a coconstruit avec la Dgesco la plateforme Non au Harcèlement – Des clés pour les familles. Elle vise à mieux faire comprendre le phénomène du harcèlement entre élèves, aux parents de la maternelle au lycée. Elle s’inscrit dans une politique nationale de lutte contre le harcèlement, articulée autour des trois axes du plan interministériel : 100 % prévention, 100 % détection, 100 % solutions.
À travers ces engagements, le Cned réaffirme son rôle fondamental dans l’inclusion scolaire et apporte des réponses concrètes aux élèves confrontés à ces difficultés qui sont majeures. Nous devons faire en sorte que chacun puisse poursuivre son parcours éducatif dans les meilleures conditions. C’est notre légitimité.
Le Cned joue un rôle majeur dans l’enseignement et la formation en France. Comment contribue‑t‑il également au développement et au rayonnement de l’éducation française à l’international ?
Le Cned s’adresse à tous les publics, en France comme à l’étranger, indépendamment de leur nationalité. Il permet ainsi à des élèves, étudiants et adultes du monde entier de suivre à distance un enseignement scolaire ou supérieur français, ainsi que des formations initiales et professionnelles. Premier opérateur européen de formation à distance tout au long de la vie, il est aujourd’hui un acteur incontournable dans le monde francophone avec près de 20 000 inscrits répartis sur les cinq continents. Néanmoins, nous pourrions faire plus. Le rôle du Cned sur le plan international est amené à se renforcer dans les années à venir, comme l’indique son contrat d’objectifs et de performance 2023-2026 signé en 2024. Cet engagement concerne non seulement l’enseignement scolaire – qui reste le coeur de notre mission – mais aussi la formation initiale et continue des enseignants de français langue étrangère (FLE) et des étudiants en FLE.
Grâce à son expertise, le Cned permet aux expatriés et aux publics étrangers de préparer à distance des diplômes français, d’acquérir de nouvelles compétences ou d’enrichir leur culture générale. Ce faisant, il nourrit notre rayonnement, notre influence, notre réputation. Il participe de notre soft power. Il fabrique de l’amitié et de la compréhension dans un monde qui en a diablement besoin à Washington, Moscou ou Pékin. Ce faisant, il crée de la croissance et de l’emploi.
Au-delà des inscriptions individuelles, le Cned s’inscrit donc dans une stratégie de complémentarité avec l’offre éducative des établissements du réseau de l’enseignement français à l’étranger. Il est un partenaire privilégié de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) et de la Mission laïque française (MLF). Il répond à la demande croissante de partenariats avec des établissements éducatifs locaux, notamment ceux qui offrent un enseignement en français ou bilingue, ou qui souhaitent intégrer des parcours complémentaires en français à leur curriculum national.
Une étude de satisfaction a été réalisée sur ce volet de l’activité auprès des établissements conventionnés avec le Cned. Les résultats sont, là aussi, très positifs ! 81 % des établissements interrogés se sont déclarés satisfaits de leur collaboration avec nous.
Ces résultats sont précieux. Je m’en réjouis car ils viennent une fois encore confirmer le rôle central, justification fondamentale du Cned, au service de l’éducation et de la formation, en France comme à l’international.