INTERVIEW DU PRÉSIDENT DU CONSEIL D’ADMINISTRATION

Interview de Marc-Antoine Jamet
Président du conseil d’administration

Le confinement entraîné par la crise sanitaire de la Covid-19 va permettre une ré-interrogation massive des façons d’enseigner, d’apprendre et, plus profondément sans doute, de la forme scolaire. Quels sont les grands défis de l’enseignement et de la formation à distance dans les années à venir? 

La crise sanitaire, mais l’évolution des techniques. La crise sanitaire, mais l’évolution des savoirs. La crise sanitaire, mais l’évolution des attentes. Tout ne doit pas se déterminer par rapport à ce terrible virus. À mes yeux, il a surtout été un révélateur de questions qui préexistaient avant lui et un accélérateur des réponses que nous devions leur apporter. La spécificité des publics, la nécessité d’inventer de nouvelles façons d’échanger, plus flexibles, en s’emparant des opportunités offertes par les évolutions technologiques, tous ces enjeux de demain, nous les avions identifiés. Il fallait que, davantage, nous nous en emparions.

Pour autant, il me semble, très objectivement, que le CNED a été, par ses caractéristiques – flexibilité, numérisation, suivi à distance, qualité de ses enseignants et de ses enseignements – mieux armé que beaucoup d’autres pour faire face aux défis soulevés, ponctuellement je l’espère, par la pandémie, structurellement par l’avenir, le progrès, une éducation moderne, citoyenne et efficace. Notre force est d’être un laboratoire où sont expérimentés en permanence de nouveaux usages, de nouveaux outils. Au service de nos élèves, les dispositifs d’hybridation que nous proposons, où distance et présence se conjuguent, témoignent de cette véritable expertise en ingénierie pédagogique. J’ajoute, pour justifier un peu plus encore ces améliorations, ces évolutions positives qui doivent mobiliser chacun, la nécessité de détecter les signaux faibles pour identifier immédiatement les éventuels décrochages d’inscrits dans nos cursus et, donc, activer les leviers d’accompagnement adaptés à leur situation. Plus que jamais nul ne doit être laissé de côté par l’école, l’apprentissage, l’université. Ce sont des repères que la République doit proposer à la société.

L’après-crise doit confirmer cette prise de conscience. Les modes d’apprentissage seront chaque jour, à chaque instant, plus multiples. On doit pouvoir se former aussi bien en présence qu’au loin, en alternant autoformation et accompagnement. Structurer l’enseignement et la formation, quelles que soient les distances (géographique, temporelle, culturelle, linguistique), cela tombe bien : c’est notre mission, c’est l’ambition même du CNED.

Le CNED a signé en octobre 2020, une convention de financement de 14,8 millions d’euros sur quatre ans, avec la Caisse des dépôts, au titre du programme d’investissements d’avenir (PIA). Quels projets seront ainsi développés? 

La relance, l’investissement et l’avenir, trois notions dont l’école, l’éducation, le CNED doivent être proches. Cette marge de manœuvre financière permettra d’innover et d’améliorer les conditions d’apprentissage des apprenants. Donner la parole à la recherche, prendre les bons virages technologiques, ceux de l’intelligence artificielle notamment, favoriser l’empreinte mémorielle, perfectionner nos méthodes d’entrainement à l’oral, d’apprentissage adaptatif des langues ou d’exploitation des données d’apprentissage sont à la fois autant d’obligations pour bien faire, individuellement, notre travail et autant d’opportunités pour, collectivement, nous améliorer. Je sais l’image que nous avons pu avoir, parfois colportée par nos concurrents privés. Elle est en train de se dissiper.

Ainsi, plusieurs projets avec les acteurs français de l’EdTech sont en cours autour de la notion de parcours adaptatifs. L’objectif est que, à terme, l’apprentissage d’un élève sur les différentes plateformes du CNED se fasse spécifiquement en fonction de son activité, de son niveau, de ses réussites, de ses échecs aussi, afin que des parcours adaptés, largement personnalisés, lui soient proposés. Travailler avec cet objectif, coopérer avec cette filière, c’est bénéficier des dernières recherches et des évolutions technologiques les plus récentes, et c’est, « en même temps », si l’expression ne souffre pas d’une exclusivité, contribuer à l’essor de jeunes structures. C’est donc du gagnant-gagnant.

L’image de l’enseignement à distance va-t-elle changer?

L’image de l’enseignant a changé. Mon grand-père a été professeur en 1930. Ma mère en 1960. Moi-même en 1990. Le même métier, la même ambition. Mais des modalités et des situations profondément différentes. Le CNED n’échappe pas, et c’est tant mieux, à cette « implacable marche du temps ». J’en veux pour preuve la réforme de la formation professionnelle qui a permis une véritable reconnaissance de la formation à distance. Pôle Emploi a également choisi d’en faciliter largement l’accès, conciliant formation, vie professionnelle et personnelle. À la fin de l’année 2019, l’État n’a-t-il pas lancé un marché national de formation entièrement à distance pour permettre aux demandeurs d’emploi d’accéder à certains métiers et à certaines compétences? Dans ce cadre, le CNED a été retenu pour mettre en œuvre quatre formations à la fois totalement gratuites et rémunérées. Nous nous inscrivons donc très largement dans ce grand mouvement de « démocratisation » de l’accès à la formation. Je note, pour m’en féliciter, que près d’un actif sur deux aujourd’hui projette de suivre une formation dans les douze mois à venir et qu’un sur cinq est déjà en train de préparer une reconversion*. En cette période de crise et de remise en question, nos compatriotes confirment donc tout leur intérêt pour la formation professionnelle. Nous devons être à leurs côtés.

Ce potentiel d’activité est en forte croissance. Il est, ne soyons pas triviaux, mais songeons néanmoins à la consolidation de notre établissement, générateur de chiffres d’affaires pour l’avenir. Alors même que nos résultats s’améliorent, ce qui est une bonne nouvelle pour tous ceux, comme moi, qui sont attachés à sa pérennité, oui, il est bien un levier de développement stratégique pour le CNED.

*Baromètre de la formation et de l’emploi Centre Inffo-Institut CSA. Enquête réalisée en ligne, entre le 14 et le 21 janvier 2021, auprès d’un échantillon représentatif de 1 626 actifs.